Introduction
Mettre fin à la vie d’une société ne se résume pas à la « rayer du RCS ». Le processus, balisé par le Code civil et le Code de commerce, s’articule en trois temps : dissolution, liquidation, puis radiation. Entre décision des associés, inventaire, apurement du passif, publicité et fiscalité du boni, chaque étape a ses exigences et ses pièges. En toile de fond, un principe directeur : la personnalité morale subsiste « pour les besoins de la liquidation » jusqu’à la publication de la clôture, ce qui implique de continuer à agir au nom de la société tant que tout n’est pas soldé.
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Dissolution et ouverture des opérations de liquidation
La dissolution volontaire est décidée par les associés selon les règles de majorité propres à la forme sociale (SAS : selon statuts ; SARL : majorité indiquée par la loi, etc.). Elle emporte ouverture de la liquidation et désignation d’un liquidateur amiable chargé de représenter la société pendant cette phase. La subsistance de la personnalité morale jusqu’à la clôture de la liquidation est affirmée par les textes ; pendant cet intervalle, la société « continue » pour liquider, réaliser l’actif et payer le passif.
Dès la décision, s’ensuivent les formalités : publication d’un avis de dissolution dans un support habilité à recevoir des annonces légales (SHAL) et déclaration de la dissolution sur le Guichet des formalités des entreprises dans le mois. Depuis le 1er janvier 2023, ce Guichet est l’unique porte d’entrée pour les formalités de création, modification et cessation d’activité ; il a définitivement remplacé les anciens CFE.
Point d’attention à effet immédiat : à compter de l’ouverture de la liquidation, tous les actes et documents émanant de la société doivent porter la mention « société en liquidation » et indiquer le nom du liquidateur. Le défaut de mention est pénalement sanctionné. C’est une exigence protectrice des tiers et un réflexe de conformité à instaurer tout de suite (papier à en-tête, factures, signatures de mails, etc.).
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Les pouvoirs et la responsabilité du liquidateur
Le liquidateur amiable prend la suite des dirigeants pour réaliser l’actif, régler le passif, puis répartir le solde entre associés. S’agissant de la durée du mandat, la pratique retient souvent une durée de trois ans (renouvelable). Mais le cœur du sujet est ailleurs : ses obligations et sa responsabilité.
Le Code de commerce est limpide : le liquidateur est responsable, à l’égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l’exercice de ses fonctions. Cette responsabilité, qui se prescrit selon le régime de l’article L. 225-254, fonde la vigilance attendue tout au long des opérations (inventaire, information des créanciers, paiement selon l’ordre et les disponibilités, gestion des litiges en cours, etc.).
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Le déroulement de la liquidation : inventaire, réalisation, apurement
En pratique, la première séquence consiste à dresser l’inventaire, arrêter une situation comptable et organiser la réalisation de l’actif (cessions d’immobilisations, recouvrement de créances, résiliation de contrats, etc.). Le Code de commerce précise que le liquidateur établit des comptes annuels dans les trois mois de la clôture de chaque exercice, ce qui suppose un suivi comptable régulier tant que dure la liquidation. Les créanciers connus doivent être payés ; les litiges en cours doivent être provisionnés.
Pendant toute cette phase, le liquidateur accomplit les formalités de publicité incombant normalement aux représentants légaux. Il veille notamment aux insertions et indications nécessaires (adresse de correspondance, greffe compétent pour les dépôts) afin d’assurer la bonne information des tiers.
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Clôture : approbation des comptes, répartition et radiation
Lorsque l’actif est réalisé et que le passif est apuré, le liquidateur arrête les comptes définitifs de liquidation. Les associés sont réunis pour statuer sur ces comptes, donner quitus, décharger le liquidateur de son mandat et constater la clôture.
Cette clôture doit ensuite faire l’objet des formalités : publication dans un support d’annonces légales et demande de radiation au RCS via le Guichet des formalités des entreprises. La personnalité morale disparaît définitivement avec la publication de la clôture de liquidation.
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Cas particulier : la dissolution sans liquidation (TUP)
Si toutes les parts ou actions sont réunies entre les mains d’un associé unique personne morale, la dissolution peut intervenir sans liquidation : le patrimoine est transmis universellement à l’associé, sous réserve du droit d’opposition des créanciers. Depuis l’automne 2024, le point de départ du délai d’opposition de 30 jours est la publication au BODACC, ce qui renforce la visibilité auprès des créanciers. L’annonce légale reste obligatoire.
En revanche, si l’associé unique est une personne physique, la TUP n’est pas possible : il faut suivre la procédure classique de dissolution et liquidation.
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Le boni de liquidation : droit de partage et impositions
Lorsque, après paiement des dettes et remboursement des apports, il reste un solde positif à répartir, on parle de boni de liquidation.
Sur le plan de l’enregistrement, la répartition entre plusieurs associés constitue un partage assujetti au droit de partage prévu à l’article 746 du Code général des impôts, liquidé sur la base de l’actif net partagé (article 747 du CGI). Le taux applicable est de 2,5 %. En revanche, il n’y a pas de droit de partage lorsqu’il n’y a pas de partage, c’est-à-dire dans une société unipersonnelle.
Sur le plan fiscal, le boni est assimilé à un revenu distribué. Pour une personne physique, il est soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % (12,8 % d’impôt + 17,2 % de prélèvements sociaux), sauf option pour le barème progressif. Pour une personne morale soumise à l’impôt sur les sociétés, le boni est imposé comme une distribution de dividendes, avec possibilité de bénéficier du régime mère-fille.
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Conclusion
La clôture et la liquidation d’une société obéissent à un processus juridique clair mais exigeant. Dissolution, nomination du liquidateur, réalisation de l’actif, apurement du passif, approbation des comptes, clôture et radiation : chaque étape est balisée par les textes et suppose des formalités précises.
Le rôle du liquidateur est central : il incarne la société le temps de solder ses droits et obligations, et engage sa responsabilité en cas de faute. La vigilance est de mise, notamment face aux dettes litigieuses ou aux risques d’insuffisance d’actif.
La fiscalité du boni de liquidation, enfin, doit être anticipée pour éviter des coûts imprévus. Entre droit de partage et imposition des revenus distribués, le traitement diffère selon que l’associé est une personne physique ou morale, unique ou pluriel.
Mettre fin à une société n’est donc pas un simple geste administratif : c’est une opération juridique, financière et parfois stratégique. Un accompagnement professionnel permet de sécuriser le calendrier, de limiter les risques de rejet et de maîtriser les conséquences fiscales de la clôture.
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FAQ : Clôture et liquidation d’entreprise
** Est-il obligatoire de nommer un liquidateur amiable ?** Oui. La désignation d’un liquidateur est impérative pour représenter la société pendant la liquidation.
** Peut-on radier la société sans publier d’annonce légale ?** Non. L’annonce est obligatoire pour la dissolution comme pour la clôture, sous peine de rejet du dossier.
** Faut-il déposer des comptes annuels pendant la liquidation ?** Oui. Des comptes doivent être établis à la clôture de chaque exercice, même en liquidation.
** Peut-on clôturer si une dette n’est pas payée ?** Non. Le passif doit être intégralement apuré. Sinon, une procédure collective est à envisager.
** La TUP est-elle ouverte aux personnes physiques ?** Non. Seules les personnes morales peuvent absorber une société via TUP.
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Clause de prudence
Cet article fournit une information générale et ne saurait se substituer à un conseil juridique adapté à une situation particulière.